On est en train de finir la lecture de « pensées pour moi même ». Livre fascinant écrit par un empereur Romain il y a 1700 ans. Le titre français est un peu ridicule mais puisque l’original n’en avait pas (Marc Aurèle a écrit ce recueil de notes uniquement pour lui même) il a bien fallu en trouver un.
C’est un ouvrage absolument unique. Imaginez: l’homme
le plus puissant de son époque qui dépose toute sa philosophie sur papier sans aucun enrobage ou sens du politiquement correct (il ne pensait pas que d’autres que lui poseraient un jour les yeux sur ses notes). Ajoutez à cela que l’homme fut considéré comme un génie dès son adolescence (Rome a connue son apogée sous son règne) et qu’il a été éduqué dans la tradition des plus grands philosophes grecs et romains, et vous avez la recette d’un incontournable.
Le texte est
gratuit si vous avez un Kindle. Le cas échéant, déboursez les 5 Euros que coûte une version papier, vous ne le regretterez pas.
Parmi les nombreuses réflexions que fait Marc-Aurèle, il y en a une qu'on trouve particulièrement intéressante, car elle recoupe beaucoup de choses qu'on a dit dans la série d’articles sur
la théorie du cadre.
« Tout ce que je suis, c’est une chair avec un souffle et un principe directeur »
Marc Aurèle est persuadé qu’il faut consacrer sa vie à ce qu’il nomme un « principe directeur ». Une mission
tellement importante que la moindre de nos actions doit lui bénéficier.
Il est étonnant de découvrir que les hommes menaient déjà une réflexion intense sur ce que on appelle aujourd’hui les « outils mentaux » il y a 2000 ans. Ainsi Marc Aurèle cherchait déjà à se construire un cadre fort autour de son principe directeur:
« N’use point la part de vie qui te reste à te faire des idées sur ce que font les autres […] car tu te prive ainsi d’une autre tâche […] l’attention que tu dois à ton principe directeur »
« Il te reste en troisième lieu, le principe directeur […] ne permet plus qu’il soit esclave, qu’il soit encore comme tiré par les fils d’une égoïste impulsion, ni qu’il s’aigrisse contre son sort actuel ».
Les stoïques avaient bien assimilé l’importance de prendre le contrôle sur ses propres pensées et de déterminer
d’où nous viennent nos émotions.
Marc Aurèle se fait ainsi un champion du « mindset ». Il cherche à comprendre les mécanisme de son « âme » pour en
prendre le contrôle et la dédier à son principe directeur.
L’art du stoïcisme
Les stoïques se seraient probablement plu sur ce site. Ils cherchent à réduire leurs réponses émotionnelles par rapport au monde qui les entoure dans le but de se consacrer à leurs tâches avec un esprit clair,
centré sur la raison.
Pour arriver à cet état d’esprit, Marc Aurèle s’appuie sur une philosophie de « dénigrement de la mort ». La mort n’est pour lui que
la perte de l’instant présent puisque le passé ne nous appartient déjà plus et que l’avenir est incertain.
Hors, cette perte est la même, que l’on meure à 15 ans ou à 95 ans. Il n’y a donc plus lieu de s’inquiéter des maladies ou des guerres, ce qui aide à
rester stoïque.
malgré cela, Marc Aurèle prend conscience de la
brièveté de la vie, et plus encore, de la brièveté de la raison (qui nous quitte bien souvent avant la vie).
D’où l’urgence qu’il y a à se consacrer à son principe directeur.
Sur la Procrastination
Bien sûr, il serait dommage de ne pas parler de
procrastination alors que Marc Aurèle s’y intéresse de près:
« Rappelle toi depuis combien de temps tu remets à plus tard et combien de fois, ayant reçu des dieux des occasions de t’acquitter, tu ne les as pas mises à profit. »
La procrastination concerne ici tout acte qui n’est pas dédié au principe directeur. De ce point de vue, on pourrait presque considérer l’entièreté du stoïcisme comme
une méthode de lutte contre la procrastination:
La prise de conscience de la brièveté de la vie, le mépris pour « les mouvements de l’âme », et la concentration sur un principe directeur sont des l
eviers puissants pour se mettre en action.
La lutte contre la procrastination (même si elle ne portait pas ce nom) était donc déjà une préoccupation des hommes voilà 2000 ans. Et l’homme le plus puissant de son époque en faisait même une priorité. Les temps ont finalement peu changé.
Le Stoïcisme est une philosophie formidable lorsque l’on s’intéresse au Mindset. Tout ce qui à pu être dit sur ce sujet était déjà pressenti par des hommes comme Marc Aurèle.
De la à dire qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil, il y a un pas qu'on ne franchira pas.
Au contraire la psychologie et les neurosciences nous donnent de
nouveaux outils pour comprendre « les mouvements de l’âme » et se concentrer sur son principe directeur.