Depuis une vingtaine d’années;
la procrastination est à la mode. Elle est décriée chez une génération élevée par Internet ou défendue en tant que mode de vie. Quantité d’essais ont été publiés pour prouver ses méfaits, ses bienfaits, ou lui trouver des remèdes.
Fort heureusement,
la science, la vraie, s’est aussi penchée sur le sujet. Depuis le milieu des années 90, les études et les expériences fleurissent et
les résultats sont très éclairants sur la nature de la procrastination, qui elle affecte, et comment y remédier.
La majorité des études citées dans cet article est malheureusement en Anglais (se désintéresserait on du sujet en francophonie?). On vous laisse les liens pour ceux qui seront curieux d’en apprendre plus.
La procrastination est source de mal-être
Quoique en disent ses défenseurs (oui il y a en a), un individu procrastinateur est plus soumis au stress, à l’anxiété et à la dépression qu’un individu qui ne l’est pas. Sur ce sujet deux chercheurs Américains, Dianne Tice et Roy F. Baumeister, ont mené une étude très intéressante à la fin des années 90 :
Ils ont observé le comportement d’un groupe d’étudiants comprenant des profils procrastinateurs et non procrastinateurs durant un semestre universitaire en leur demandant de reporter leurs
états émotionnels.
En début de semestre les étudiants procrastinateurs se sont déclarés plus heureux que les étudiants non procrastinateurs. Mais au fur et à mesure de l’avancée du semestre, ils se sont déclarés
de plus en plus soumis au stress, et à l’anxiété.
Sur la totalité de la période d’étude, ils ont déclaré un
mal-être plus grand, et ont été plus fréquemment visiter un médecin comparé aux étudiants non procrastinateurs. Ils ont aussi obtenus des
résultats scolaires inférieurs.
La procrastination est donc une « stratégie » apportant de faibles bénéfices à court terme, mais présentant un coût important à long terme.
A noter qu’on parle ici de
procrastinateurs chroniques. La procrastination est en effet un comportement que l’on observe ponctuellement dans l’ensemble de la population.
Cependant, pour
20% d’entre nous (ça fait quand même 13 millions de Français), la procrastination fait partie d’un mode de vie.
On croit qu’ils se reconnaîtront. On en a longtemps fait partie.
La procrastination n’est pas un problème de gestion du temps, c’est une malfonction émotionnelle
On a longtemps associé la procrastination à un problème de gestion du temps. Les dernières recherches semblent nous dire que ce serait plutôt un
problème d’ordre émotionnel.
Les procrastinateurs savent ce qu’ils doivent faire, ils ne peuvent cependant pas se mettre en route. C’est une déficience
entre l’intention et l’action.
L’humeur et le ressenti émotionnel seraient à la base de cette déficience. Les procrastinateurs, bien que conscients de leurs devoirs, préfèrent préserver une humeur libre de tous souci. Ainsi ce n’est pas tant la tâche qu’ils redoutent que
le changement d’humeur qu’elle impose.
La question « comment se sentir bien maintenant » semble
prendre l’avantage sur la question « comment résoudre ce problème » dans le cerveau des procrastinateurs chroniques.
Cette négociation avec leurs obligations semble toutefois s’accompagner d’un sentiment de culpabilité dans la grande majorité des cas.
L’être humain recherche en général le chemin de
moindre pénibilité. La procrastination soutient cet objectif sur le court terme. Elle est donc un comportement « normal ».
Les procrastinateurs voient (à un niveau inconscient) toute tâche/Travail comme une intrusion extérieure sur leur état émotionnel. Ce qu’ils repoussent vivement.
Il y aurait chez les procrastinateurs une
difficulté à faire primer le rationnel (on sait ce que l’on doit faire)
sur l’émotionnel (pas envie d’affecter son humeur).
Nous qui nous sommes de tout temps considéré comme quelqu’un d’extrêmement rationnel, voilà
une belle baffe pour notre égo.
La procrastination n’est pas sujette à l’apprentissage
La nature nous a dotés d’un cerveau qui fonctionne par apprentissage.
Lorsque l’on se brûle, on apprend à ne pas remettre les doigts dans le feu.
Etonnamment, les processus cognitifs à l’œuvre dans la procrastination sont
si puissants qu’ils outrepassent tout apprentissage. Un individu qui subit de sérieuses conséquences à cause de sa procrastination ne changera pas de comportement dans la très grande majorité des cas.
La procrastination est donc une habitude néfaste qui oblitère toute rationalité chez l’individu. Ses sources étant exclusivement émotionnelles,
c’est de ce côté qu’il faut creuser pour trouver des solutions.
2 profils de procrastinateurs
Les chercheurs distinguent les
procrastinateurs chroniques des
procrastinateurs de situation. Les premiers repoussent pour des raisons émotionnelles. Les seconds en fonction de la tâche.
Du coup ça nous donne une bonne et une mauvaise nouvelle:
La mauvaise, c’est pour vous:
la totalité de la population rentre dans l’une ou dans l’autre de ces catégories (20% de chroniques et 80% de procrastinateurs de situation).
Les procrastinateurs de situation, bien que moins affectés que les procrastinateurs chroniques, peuvent souffrir tout autant si ils sont dans des situations (professionnelles ou personnelles) qui les mettent en face d’une tâche
qu’ils se sentent incapable d’accomplir.
Leur procrastination vient d’une
peur de l’échec et d’un
manque de connaissance concernant la tâche en question.
Les solutions: deadlines personnelles, auto-persuasion, pardon à soi même, association positive.
Résumons: La recherche nous dit que la procrastination est un processus
hautement émotionnel, faisant fi de toute raison. Elle amène par ailleurs des conséquences fâcheuses. Sur les responsabilités d’une personne mais aussi sur son bien-être.
Lutter contre la procrastination serait bien plus
efficace sur le terrain des émotions. Laissez tomber les programmes en X étapes, ce n’est pas avec votre esprit qu’il faut négocier mais avec votre cerveau reptilien.
- Une première idée pour arrêter de procrastiner, c’est de se fixer ses propres deadlines. Ainsi les tâches imposées ne se présentent plus comme une intrusion extérieure sur nos émotions, ce qui facilite la mise en action.
- il faut aussi s’intéresser à la maitrise de ses états émotionnels. Pouvoir se mettre dans une « humeur de travail » c’est mettre ses émotions au service de ses objectifs. On a une technique très efficace pour cela (que vous pouvez consulter ICI).
- Une étude menée par des chercheurs américains (ils s’y intéressent sacrément on dirait) suggère que les personnes se pardonnant leurs comportements procrastinateurs auraient moins tendance à les reproduire. Ils sont cependant incapable de fournir une explication à ce phénomène.
On imagine que la culpabilité a aussi son rôle à jouer dans les mécanismes de la procrastination.
- Enfin, une dernière technique qui semble passer le test des expériences concerne les associations positives. La procrastination est un rejet de l’impact qu’a une tâche sur notre humeur. En associant des signaux positifs à cette tâche, on peut parvenir à se convaincre que cette tâche n’affectera pas notre humeur.